De la fonction de personne ressource (ou comment le travail invisible n’est pas un travail)

Il est des fonctions dans un établissement scolaire qui sont soit méconnues, soit non reconnues, soit  dénigrées. S’il en est une qui paraît indispensable, c’est bien celle de personne ressource.

Ah oui j’oubliais, comme il s’agit de l’éducation nationale, et bien dans chaque académie, cela porte un nom différent dans chaque académie (pourquoi faire simple surtout si on ne veut pas se mouiller à créer un statut). Et j’oubliais aussi, mais ça c’est parce que je suis certainement trop con, dans certaines académies, on a profité de la création du statut de référent numérique pour les supprimer.

Pour faire simple, c’est la personne, le plus souvent un enseignant, qui est chargé de s’occuper de la gestion du réseau de l’établissement et de la bonne marche des TICE. Officiellement, il s’agit de la personne qui est chargée d’organiser la bonne marche pédagogique des TICE. Dans la réalité, c’est le gros con qui a accepté de passer tout son temps libre à gérer du matériel obsolète (ou inutile), à installer des logiciels et à faire en sorte que ça marche à peu près.

Ca vous dit rien, pourtant c’est un peu le mec que vous rendez responsable de tous les dysfonctionnements informatiques de votre établissement. Parce que s’il y a un truc génial avec cette personne, c’est que quand tout va bien, on ne sait pas ce qu’elle fait, mais quand tout va mal, on a quelqu’un sur qui taper sans toujours savoir ce qu’elle fait. Si on établit un emploi du temps moyen en France, cette personne est « valorisée »  par l’institution à hauteur de 1 à 3 heures supplémentaires par semaine. Enorme! savez vous en réalité combien de temps elle y passe? Ben nous vous ne le savez pas, ce qui vous intéresse c’est que ça marche. Par contre, pour gueuler quand ça ne marche pas on vous retrouve! on ne peut pas vous en vouloir! avoir une politique de développement des tice sans mettre en place un véritable statut pour la chose c’est un peu n’importe quoi!

Mais heureusement, certaines collectivités territoriales ont remédié au problème en  mettant en place des techniciens qui gèrent quelques établissements. Oui des techniciens, pas des profs. Donc niveau pédago c’est pas ça et parfois vos préoccupations, ils ne les comprennent pas. Ce n’est pas de leur faute, ils sont techniciens, ils ne peuvent pas savoir. Dans la plupart des cas, c’est sur un collègue que vous taper parce que c’est lui qui sous des prétextes pédago assure la maintenance que personne n’assure.

Quelle entreprise dans le monde ayant un réseau de au moins une centaine de postes, plusieurs serveurs de domaine, de fichier, de communication n’a pas une personne à plein temps pour gérer ce même réseau? Quelle entreprise peut penser qu’un réseau d’au moins une centaine de postes et quelques serveurs peut se gérer en une heure par semaine? Il n’y en a qu’une, elle s’appelle l’éducation nationale.

Personnellement, j’assure cette fonction avec la grande chance de disposer de trois heures sur mon EDT pour cela (et quand je dis grande chance, je ne mesure pas mes mots, c’est ENORME et je le prends pour une reconnaissance).  Un assistant d’éducation assure 10 heures pour la maintenance générale qui n’en peut plus avec des postes ayant en moyenne 5 ans d’âges (ce qui signifie pour les néophytes, des changements réguliers de différentes parties desdites machines pourries). Bref, 10 + 6 (ben oui 3 heures pas devant élèves ça veut dire 6 heures en vrai) et ben ça suffit pas. Il faut remarquer que nous n’avons que 160 postes.

La lutte quotidienne c’est l’obsolescence du matériel. Qui est satisfait de travailler avec un PC même un peu gonflé et bidouillé qui a 5 ans, donc qui rame un peu. Ben personne. Et bien ceux qui ne sont pas satisfaits le font bien savoir.

Ils le font tellement savoir d’ailleurs que fatalement, la personne ressource ne peut apparaître qu’incompétente. On parle toujours de la même personne qui passe une grande partie de ses journées à faire en sorte que cela fonctionne à peu près, celle qui se couche à pas d’heure pour trouver pourquoi un truc déconne (ben oui parce que sur place, on dépanne et on n’a pas le temps de chercher, donc on cherche à la maison) la même personne qui a monté le premier réseau de l’établissement, passé ses mercredis dans le vide sanitaire de l’établissement à passer des câbles, la même personne qui vous trouve une solution entre deux portes, tellement rapidement que l’on en oublie qu’elle vous a donné la solution.

C’est une fonction un peu marrante non. A quelle personne vous pensez uniquement quand vous avez un problème informatique et jamais en tant que collègue? Risible s’il en est. ben oui, dans la majorité des cas, ces gens ce sont des collègues, mais on ne fait jamais comme si ils avaient des cours à préparer, on peut toujours espérer qu’ils aient du temps pour un truc vraiment utile c’est à dire répondre à vos besoins.

Voilà, parce que j’ai une vie, parce que pour une fois j’aime quelqu’un plus que la côte de boeuf, et que j’en ai ras le bol d’entendre « ça marche pas » (parce qu’il y a toujours un con pour oublier d’allumer son écran) et bien cette magnifique fonction, je compte l’abandonner dès demain.

Vous en pensez quoi de cette magnifique fonction?

7 réflexions sur « De la fonction de personne ressource (ou comment le travail invisible n’est pas un travail) »

  1. Je compatis…
    J’ai occupé les mêmes fonctions que toi pendant… 8 ans, je crois. Avec 1h de « décharge » [pour les Keskelledit, ça veut dire qu’en échange d’une heure en moins devant les élèves, je devais faire 2h (oui, deux heures seulement pour tout un bahut) de travail,c’est à dire 72h de travail dans l’année. Pas besoin de préciser que ces 72 heures je les avais déjà accomplies le jour de la prérentrée….].
    Alors le jour ou on m’a dit « on te paye en HSE (=heures supplémentaires), j’ai dit adieu à cette fonction.
    Je te comprends.. mais bon, pour quelques collègues débiles, combien d’élèves contents de travailler de façon un peu plus cohérente avec le monde du dehors de l’École ?

    Et puis c’est tellement jouissif de leur expliquer que « 95 % des problèmes informatiques se produisent entre la chaise et le clavier » … et de les voir comprendre ce que tu es en train de leur dire.

    Bon courage mon ami.

  2. Mercipour ce billet, çà fait du bien.
    Çà fait 5 ans que j’occupe cette fonction à raison de 2h par semaines. Je ne compte plus es heures et les jours passés devant l’armoire informatique ou à réparer des postes masacrés par des élèves non surveillés par les profs (parce que c’est tellement mieux de surfer sur internet en salle info que de surveiller et d’accompagner ses élèves).
    Ce qui me désole en plus de ce que tu as très bien décrit, c’est d’être pris pour un c… quand on me demande de mettre en oeuvre un ent sur un réseau qui ne peut le supporter, pour des profs qui n’en veuent pas ou quand on m’explique que le réseau pédagogique est tout à fait opérationnel alors qu’il a dix ans et oit géer 120 pc alors qu’il n’était à l’origine prévu que pour 50.
    Et je ne parle pas des efforts d’inventivité que je dois faire pour obtenir quelques sous alors que le collège achete chaque année de nouveaux postes pour l’aministration.

  3. Bonjour à toi,
    c’est marrant parce que ce que tu viens d’écrire développe en beaucoup mieux ce que j’ai écrit sur l’ENT de mon bahut, tout nouvel ENT. Ca a été la première note d’information de l’ENT, un pavé dans la marre et maintenant j’ai droit à « bonjour » et « si ça te dérange pas ». Mais sur le fond ça change pas beaucoup, j’ai toujours les mêmes casse c…….. qui ne comprendront jamais que leur mot de passe doit être écrit en majuscules!
    Et en plus je n’ai plus d’HSA puisque plus d’heures dans le bahut pour le « correspondant TICE », juste la promesse de la prime »IFIC » pour fonction de « Référent TICE », prime qui peut aller de 500 à 2400€. Vous avez tous bien compris, c’est à dire selon le bon vouloir du proviseur…
    J’envisage aussi très sérieusement de rendre les clefs

  4. Tiens on est, en gros, dans le même cas. Avec 2 petites différences : y’a environ 800 postes dans mon étab et j’ai un EDT composé uniquement d’heures d’enseignements et qui monte à 19h30 après pondération…

    La démission de cette fonction s’est imposée toute seule. Par contre certains collègues n’ont pas encore compris et d’autres s’amusent à saboter le réseau.
    Parallèlement les membres les plus actifs de la Mission Tice de l’académie ont démissionné en bloc pour retourner devant élèves.

    J’ai vraiment comme l’impression que l’informatique de l’ÉN, qui tournait avec des bouts de ficelles, est la sacrifiée de cette année pour arriver à honorer les suppressions de postes.

  5. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous décrivez et avec les commentaires qui précédent le mien!!
    A cette fameuse charge de CoTIC*e s’ajoute effectivement très souvent:

    – l’ENT: administration et formation des collègues et des parents (si si ils ne savent parfois pas entrer leur mot de passe…). Sans compter les zouaves qui demandent des « types de contrôle » particulier et qui 15 jours après se plaignent qu’il faut choisir dans un menu déroulant le type de contrôle…cherchez l’erreur!

    – GiBII pour le B2I, l’administration et la gestion des demandes des élèves (les collègues ne sont pas foutus de se connecter pour valider ou non les demandes des élèves, enfin c’est ce qu’ils font croire). 600 demandes traitées (en comptant 1 minute par demande je vous laisse calculer le temps passé…10H bravo!)

    – Gisocle (ou LPC ou cerise, selon les académies), l’administration, le transfert des items validés vers LPC et Notanet en fin d’année… encore un truc à faire, travailler plus pour gagner autant

    Sans compter les habituelles taches moisies: changer les cartouches, rebrancher les claviers (très bien expliqué par Reyser) débranchés par les élèves laissés sans surveillance, remettre les claviers en azerty, reparamétrer les imprimantes réseau….

    Bref, à quelques jours de la rentrée 2012, je vais faire comme vous: laisser tomber.

    400€ par an (pas encore payés au 20/08, d’ailleurs), soit 40€/mois pour 2H de travail par semaine.
    Petit calcul: 40€ pour 8H de taf… ça doit faire 5€ de l’heure… quand en plus on se fait engueuler quand « ça ne marche pas » (souvent c’est vrai c’est de la faute du CoTICE: il n’a pas précisé sur le mode d’emploi « brancher au secteur »…).

    La rétribution a été diminuée (pour moi) de 65% environ (d’une HSA je suis passé à 400€).
    Je cautionne la remarque de Reyser concernant les PC neufs à l’administration, tout comme les imprimantes réseau couleur quand on doit se contenter d’une pauvre imprimante partagée à jet d’encre…pour laquelle il faut aller pleurer pour avoir une cartouche de noir.

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