L’Empire des traditions (ou comment refonder de travers)

Décidémment je vais pas me refaire, va falloir commencer par une vidéo. Sur la tradition, pas facile à trouver mais finalement, ce petit film de naze qu’est le cercle des poètes disparus aide bien (je m’expliquerai plus tard sur le terme de naze, pour ceux qui me connaissent pas, j’écris comme je pense).

httpv://www.youtube.com/watch?v=oGXlLXLjsFA

La bande annonce est parfaite elle commence par cette horrible devise de l’école en question. Bon, les nouveaux se disent, ouah le gros naze qui va discourir sur le cercle des poètes disparus 20 ans après. Non je vais pas discourir là dessus. J’aime pas ce film, c’est condescendant, pleins de poncifs, mais il montre exactement ce qu’est l’école.

L’école c’est le lieu de tradition par excellence, le lieu de la réaction et des réactionnaires. La preuve, le film se finit bien, le prof qui veut changer les choses dégage et tout reprend son cours. C’est d’ailleurs pour ça qu’il a marché ce film. On adore le prof innovant qui vient libérer ces jeunes mais finalement, on est rassuré parce que le système se maintient. Ah non, pas tout à fait, il y a le naze prof de latin qui n’a pas vraiment tout compris et qui fait réciter la même daube dehors qu’à l’intérieur.

La TRADITION, voilà ce qui empêche tout changement. Une tradition ça prend des siècles à se former et des décennies à disparaître. La disparition des traditions ça emmerde bien les vieux qui s’y accrochent comme à un balais à chiottes un soir de gastro et moi aussi parfois quand ça devient difficile de trouver une boucherie chevaline. Mais à l’école, ce problème n’existe pas car à l’école, pour faire une tradition, il faut deux trois ans  et elles disparaissent jamais.

J’en vois qui ne sont pas d’accord. Ben, je me suis interrogé longtemps sur le sujet. A l’occasion d’un changement d’établissement cette année, j’ai pris conscience du poids des traditions, non seulement nationales mais aussi locales.

Qui n’a pas dans son établissement le même voyage ou la même sortie qui a lieu chaque année avec les mêmes profs. Qui n’a pas dans son établissement le projet traditionnel de madame tartempion et monsieur laquiche, qui attire pleins d’élèves. Ça en arrive à un point que pour tout le monde tout est normal. Les parents d’élèves demandent avant même la rentrée à combien sera le voyage de M Laquiche, si son cher enfant tellement génial pourra faire théâtre avec Mme Kipu. qui n’a pas l’équivalent dans son établissement? Ben personne parce que ça existe dans tous les établissement, et le phénomène touche y compris les composantes modernes. Hein, est-ce que mon fils pourra être dans la classe tice ou tablettes? Faites un truc qui a un peu de succès deux ans de suite à l’école et hop c’est une tradition. Mais jamais on se demande à quoi ça sert.

Non parce que le voyage en Ecosse il est forcément utile parce qu’il est en Ecosse. Utile au prof qui remplit sa cave de whisky, utile aux parents qui se débarrassent une semaine de Kevin et Jessica pendant une semaine en croyant faire une bonne action en plus (comment c’est trop bon de s’enlever toute culpabilité vis à vis de ses gosses en imaginant un pseudo contenu pédagogique). Mais finalement qu’est-ce que tout çà  a affaire avec l’école. Les élèves apprennent-ils mieux l’anglais ou la civilisation en y allant une semaine (en réalité souvent 3 nuits). On va dire oui pour faire plaisir aux parents et aussi aux profs qui ont passé aux moins une demie heure à organiser ce voyage en appelant une agence spécialisée qui fait tout. Et la sortie au mémorial de Caen hein? Ben oui c’est fondamental d’aller voir un bâtiment non historique dans lequel sont accrochés des photos présentes dans tous les manuels et aller se peler le cul sur une plage humide en demandant aux nains d’imaginer un peu comment ça a dû être terrible (ben oui monsieur ça a dû être terrible parce que même en Juin il fait froid mouillé ici)

En fait personne ne se pose la question de l’intérêt ultime de la chose. Il y a en a, j’en ai fait des sorties et des voyages mais y’en a-t–il à reproduire chaque année la même chose avec des élèves qui, étant humains (enfin on peut se poser la question pour certains mais quand même) sont forcément différents. Et je dirais pareils pour les twittclasses et tout autre projet qui se reproduisent d’années en année. La pédagogie, n’est-ce pas s’adapter à des élèves? Ben non à l’école, la pédagogie c’est adapter les élèves à des moules tous faits car bien pratiques finalement.

Changez de région, changez d’établissement (je viens de le faire, je sais donc à peu près de quoi je parle) vous retrouverez un équivalent de tout ça partout. Heureusement, vous aurez toujours quelques illuminés pour dire, bon l’année dernière ce point là n’a pas fonctionné, donc on va modifié légèrement quelques éléments, mais dans 98% des cas, 0 évolution.

Et ça repart l’année d’après et encore l’année d’après jusqu’à ce que madame machin ou monsieur bidule se casse en retraite ou a obtenu une décharge lui permettant enfin de s’éloigner des élèves (oui je suis méchant mais faudra aussi s’interroger un jour sur le pourquoi d’un tel besoin de changements chez les enseignants). Alors qu’est-ce qu’on fait maintenant. ben on attend qu’arrive le prof qui aura l’idée de tradition qui remplacera l’ancienne. Et parents comme profs reprendront enfin une vie normale.

Alors on fait quoi, on supprime toutes les sorties et voyages? Le crétin qui pense ça peut dégager de ce blog, c’est qu’au final il a rien compris. Non on empêche les traditions. Si on estime que voyages et sorties sont de la pédagogie, ils doivent forcément être différents tous les ans bandes de nazes, c’est ça l’objet du discours.

Mais comment faire? Ben là c’est compliqué parce qu’à part abattre massivement le troupeau des profs et des parents d’élèves(toute allusion à un gouvernement qui aurait essayé est purement fortuite), ben revenir sur des traditions séculaires euh annuaires? enfin bon je veux dire les traditions de l’école, ça va pas être facile. Ben non parce que ces traditions, elles font vivre du monde. Les agences de voyages scolaires qui vous sortent le voyage tout fait avec hébergement dans des familles et visites nazes toutes prêtes feraient faillite sans ça. Et imaginez un peu la bande de profs copains qui se montent le projet pédagogique de la mort qui tue incluant à la fois de l’anglais et de l’histoire et qui ne pourraient plus partir ensemble chaque année (sans le prof d’histoire parce que c’est pas un copain). Et oui parce que c’est ça aussi les voyages scolaires. Moi quand j’étais au collège, j’ai retiré deux trucs de mes  voyages scolaires.  En Italie en cinquième, j’ai découvert les glaces et les meufs (j’ai aussi découvert que le prof d’histoire se tapait la prof d’anglais). En Espagne en quatrième (non vous ne révez pas, c’est la prof qui nous y a emmené) j’ai fumé ma première clope en boîte. Et en troisième en Angleterre j’ai découvert que l’Angleterre c’était moche et qu’il y avait des dauphins à Londres (enfin pas loin ou un truc comme ça). Expliquez-moi un peu le côté pédagogique du dauphin? Donc oui c’était bien pour l’ouverture culturelle (enfin culturelle faut pas pousser parce qu’il y a plus culturel que le musée de madame Tussaud) mais pédagogiquement c’était bien naze. D’ailleurs dans aucun des voyages scolaires je n’ai parler la langue voulue (vous me direz pour le latin c’était un peu mort, comme la langue quoi).

Pour refonder, il faudrait commencer par mettre le nez dans ce qui se fait vraiment dans les établissements. Car personne ne vérifie l’intérêt pédagogique de quoi que ce soit dans un établissement. Le chef voit que ça fera Plaisir aux parents, les parents pensent bien faire (enfin pensent se payer des vacances, d’ailleurs les voyages scolaires sont suivies fréquemment de grossesses chez les parents), et les profs pensent qu’il seront vus comme des gens dynamiques et pleins d’idées. Pourquoi mettre le nez là dedans vu que ça dure depuis bien 30 ans. Ben dans un premier temps mettre le nez dedans pour voir les vraies idées, les vrais projets car il y en a des gens de talents qui pensent leurs sorties et voyages pédagogiquement. Il y en a des projets tice qui ne sont pas que de l’esbroufe pour fasciner le journal télévisé. Sauf que ceux là, ben on a tendance à les négliger un poil. Je ne vais pas aller trop dans la mauvaise fois en mettant en avant le quota de HSE que tout cela rapporte à certains. Les vrais innovants et pédagogues ne sont-ils destinés à être mis en avant que par Microsoft et consort? N’a-t-ton pas un ministère et des instances pour cela?

Voilà ce que j’attends de la Refondation de l »école. Que la vraie pédagogie et les vraies idées effacent les traditions nazes.

Bon quand je disais que c’était un film de naze ce cercle des poètes disparus, c’est un film qui fait plaisir aux ados qui se rebellent et qui rassure l’institution et ses membres qui se disent qu’au final, on pourra bien faire encore la même chose pendant 20 ou 30 ans. Mais non on ne pourra pas, il est peut être même déjà trop tard.

 

 

 

8 réflexions sur « L’Empire des traditions (ou comment refonder de travers) »

  1. (ouh la la, j’ai hésité sur le calcul à faire là au dessus!)
    Bon, tout d’accord avec toi sur ce post certes agacé, et donc exagéré (n’est-il pas?) mais pas loin de la vérité. Et pourtant moi aussi je fais un voyage chaque année. Mais on change de lieu. Et on le fait nous même (on sous-traite les résa avion et auberge) et même que on parle anglais pour de vrai avec de vrais gens.
    Mais oui, y’a des trucs plans plans cons qui servent à rien d’autres que de prendre du bon temps entre collègues ! (comme nos virées au pub quand on sera à Dublin dans 1 mois? )
    🙂

    Mais pour croiser le monde médical de temps en temps, ça me semble similaire aux séminaires à la con aux Seychelles pour parler du nouveau médoc qui sert à rien..

  2. Je ne suis pas enseignante en collège, mais en primaire. Ça me permet de ne pas (trop ?) me sentir visée par un tel billet d’humeur. Quelle peinture sinistre des équipes pédagogiques du second degré, tout de même. Aucune nuance; tout le monde dans le même panier (de crabes ?).
    Je n’apprécie pas trop, je l’avoue, la façon dont vous décrivez les projets pédagogiques au collège. Parce que si c’est la vérité, alors il est grand temps que vous fassiez votre révolution. En primaire en tout cas, je peux reprocher beaucoup de choses à mes collègues, mais surement pas l’immobilisme et le manque de pédagogie que vous évoquez !

    • Bonsoir! Il ne me semble pas avoir dit tout le monde puisque je parle de quelques uns qui eux ont de vraies idées! Le style impose un peu de caricature que j’assume totalement. Mais il serait bien temps effectivement de faire notre révolution, dans le primaire aussi d’ailleurs. Il n’y a rien de sinistre sur les équipes pédagogiques, le billet est consacré aux projets pas aux équipes, ce n’est pas parce que les projets n’ont aucun intérêt que les équipes n’en ont pas! Et j’avoue, la nuance n’est pas mon fort de manière générale! C’est un billet négatif, mais j’ai réussi à en écrire un ou deux assez positif, enfin je crois!

  3. J’aime bien les billets énervés, on sent la vie derrière. Je voulais quand même apporter une nuance: les voyages scolaires se perpétuent parfois parce que, quand on les prépare soi-même, ça demande énormément de boulot, donc pouvoir capitaliser une 2e année sur le boulot de la 1e année, ça peut quand même être utile. Après je suis d’accord que l’intérêt pédagogique du truc est parfois mince mais je pense que les voyages scolaires servent aussi à créer un esprit de groupe, à découvrir les élèves de façon différente, à vivre ensemble à l’extérieur, pr espérons-le, vivre mieux à l’intérieur de l’établissement…
    Mais là où je suis d’accord, c’est quand ces fichues traditions font considérer certains / bcp de projets TICE comme de la poudre aux yeux. Moi je voudrais bien acheter des tablettes, monter des projets vidéos mais pour tout ça, il faudrait du budget!

  4. Bon,ok tu es largement dans le vrai (quoique tu pousses un peu loin, mais on t’aime pour ça aussi), d’ailleurs cette année on a un super voyage de la mort qui tue en classe de latin (entre deux profs de lettres, super ultra copines) à Athènes (le latin et Athènes je vois tout de suite le rapport, surtout que Rome au final c’est surfait, et puis Rome elle le font les années paires et Athènes impaires) et puis on a un autre super voyage reconduit depuis 32 ans, un record entre les 3 mêmes profs pour les 2ndes NF au ski…et très etc, on est les rois de la tradition.
    D’ailleurs question tradition on s’y connait chez nous. L’argument ultime pour exiger du proviseur qu’il maintienne les « récompenses » (félicitations, compliments, encouragements) sur les bulletin ? la tradition. Idem pour le maintien du passage un par un des 2ndes lors de leur 1er conseil de classe. A quoi ça sert at-il osé demander ? Ca sert à maintenir la tradition à laquelle les élèves (qui pourtant tremblent d’angoisse) seraient très attachés !
    La tradition est une valeur très protégée, oui monsieur, ici les 2 syndicats dominants sont dans l’ordre, le SNALC puis le SNES, respectons les traditions, protégeons les copinages…

  5. Intéressant mais très exagéré non ?

    Pourquoi un voyage ou classe découverte réussi(e) devrait changer forcément tous les ans ?
    Pourquoi une sortie qui a plu aux élèves, qui leur permet de voir autre chose devrait ne pas profiter aux classes qui suivent ?
    Alors évidemment à chaque fois, on modifie un petit truc pour améliorer, on découvre un autre endroit à aller voir, mais pourquoi changer absolument d’une année sur l’autre ?

    Après tout, je suis au primaire et je ne connais pas l’immobilisme décrit ici du secondaire.

    Une chose est sûr, c’est qu’aujourd’hui dans les collèges, les cours ressemblent à 99% à ce que j’ai connu il y a 25 ans, et ça, c’est encore plus grave que les sorties annuelles de Mme Kischlingue.

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