L’hypocondrie pédagogique (ou comment j’ai survécu à la ménopause)

Bon j’ai bien des défauts mais faut bien avouer que certains défauts peuvent devenir des qualités. Mon défaut majeur, c’est d’être hypocondriaque. Pas un peu hypocondriaque, super hypocondriaque. Le genre qui ne peut pas regarder le journal de la santé sans finir avec un cancer totalement obscur et mal placé et à finir à s’observer différentes parties du corps dans des positions dangereuses pour être sûr que c’est bien ça ou pas.

httpv://www.youtube.com/watch?v=aFqw0wDrYn8&feature=fvsr

Et ben au boulot c’est pareil. Au boulot je souffre d’hypocondrie pédagogique. Ah, y’en a qui connaissent pas cette maladie et ben peut être que vous l’avez.

Pour bien expliquer l’hypocondrie pédagogique il faut d’abord bien connaître l’hypocondrie tout court. L’hypocondriaque a toutes les maladies sans en avoir aucune, et surtout ça lui trotte dans la tête, à un point tel que ça empêche une grande partie de sa vie sociale. Exemple parfaitement réel, la fois où j’ai eu la ménopause.

Bon ça fera rire ceux qui me connaissent, mon côté féminin se résumant physiquement à un diamant dans l’oreille. Et intellectuellement, ça doit se résumer à la possibilité de regarder le journal de la santé en écrivant un billet (c’est à dire deux choses à la fois ce qui est exceptionnel). Bref, malgré cette virilité débordante et bien, j’ai eu la ménopause et j’ai survécu. Revoyons l’histoire au ralenti. Je vais à la pharmacie (oui parce qu’en bon hypocondriaque, je ne vais pas chez le médecin qui pourrait me faire des examens révélant au grand jour mes multiples maladies mortelles) et là en attendant que les mamies finissent de raconter leur vie, je regarde un écran de pub. Et là au fur et à mesure de ce superbe Pauvre Point médical, je me rends compte que j’ai tous les symptômes. Fatalement, à chaque fois que je chope une maladie grave, j’ai des sueurs froides, une boule au ventre et je me prépare au pire. Heureusement pour moi, le diaporama se termine par un gros « VOUS ETES MENOPAUSEE » (pour expliquer que je ne suis pas débile non plus, faut dire que j’avais raté le début). Un petit sourire m’échappe alors, je m’essuie le front encore humide, je vais mieux (d’ailleurs tellement mieux que j’en oublie de prendre mon aspirine censée me fluidifier le sang et éviter les attaques cardiaques).

Et ben au boulot c’est pareil, tant que je n’ai pas eu la démonstration de ma connerie, je suis malade. On prépare son cours, son activité, tout ça tout ça, et hop faut y aller. Des fois on a eu bien le temps de préparer, on a fouillé le sujet, on a pensé aux alternatives d’urgence, mais d’autres fois moins. Et ben préparer ou pas, c’est pareil, l’hypocondrie se manifeste. Comment?

Et bien il y a différents moments dans l’hypocondrie pédagogique.

-Le premier moment est la pensée du cours. On regarde le programme, et puis on se met à cogiter à ce qu’on pourrait bien faire. La première hypocondrie, c’est de toujours chercher l’idée qui tue sa race. On cherche, on retourne, on pense à plein de trucs, plein d’idées viennent, rien ne se concrétise. Personnellement j’adore cette phase parce que, comme dans l’hypocondrie, c’est la phase où il est encore possible de se sentir en bonne santé parce que parfois, l’idée ultime survient. Tellement géniale que forcément les élèves vont accrocher et tout retenir, tellement extraordinaire que ça va enterrer tous les pédagogues depuis Aristote (bon ils sont déjà tous morts d’accord). Bon parfois dans cette phase, on peut aussi se choper un cancer pédagogique et la flippe commence. « J’arriverai jamais à faire passer un truc pareil ». En bon hypocondriaque on accuse alors les acariens qui ont pondu les programmes ou le froid qui gèle le cerveau.

-Le second moment est nettement moins drôle. C’est la préparation. Parce que lors de la préparation apparaissent les grosses maladies. Tu es en super forme, tu as l’IDEE, mais ça va mal tourner, parce que pour ton idée, il te faut du temps. Et Paf, tu chopes une chronophagite et l’angoisse monte parce que la chronophagite, ça se soigne pas. Ou mieux tu as pensé à tout, tu as la trace écrite rêvée que les élèves vont faire eux-mêmes comme des grands, les activités qui vont bien et qui sont tellement autonomes et constructivistes que ça ferait pleurer sur certains forums de profs. Et là tu te chopes une inflammation du document. L’inflammation du document est particulièrement grave. Parce que pour l’idée ultime il faut les documents ultimes. Et ben ils existent pas. Alors tu peux mourir. Ou encore, tout s’est bien déroulé, les fiches, les docs tout. A croire que l’on est en pleine santé. Mais à la relecture, on se découvre un soupçon, qui à bien regarder est une louche, de Magistralisme. Et le magistralisme c’est un peu une maladie insidieuse, un peu comme un cancer très lent. Lors de cette maladie tout se passe bien. On prépare dans l’allégresse, on fait son cours, les élèves sont sages, bref, une cure de vitamines. Et lors de l’examen, plus rien. Tout ce sérieux en classe, toute cette attention, s’effondrent, ils n’ont rien retenu, tu as fais de la merde.

-Le troisième temps c’est le cours. Là l’hypocondrie est différente parce qu’en général, lors de la préparation, on a à-peu-près une idée de la maladie que l’on a pu éviter. Que nenni. Parce que là, alors que tu attends devant ta salle qu’arrivent ceux qui vont t’examiner, tu commences à te dire j’espère que j’ai bien fait, tu relis tes fiches, tu espères presque que des mamies viennent discuter devant le comptoir pour vérifier encore un peu. J’appelle cette phase, la quête du symptôme. Tu attends le sale mioche qui va te pointer le doigt sur la maladie. C’est l’heure aussi du premier bilan, c’est là que tu sais si tu es malade et quelquefois ça soulage.

-Enfin le temps de l’évaluation arrive.J’emploie ce terme uniquement pour éviter celui de contrôle parce qu’en général un simple contrôle en médecine, ça se termine au cimetière. L’évaluation parfois, c’est le moment où tu te sens bien portant et où tu te rends compte que t’as tout merdé. Tu pensais avoir bien fait, tu avais pensé à tout, et ben ils ont rien retenu. Ben pourquoi? Comme tout hypocondriaque bien formé,  il y a le déni. De toute façon, les toubibs ne connaissent rien (alors les élèves hein?). Puis vient la phase de panique. J’ai foiré un truc mais quoi? Alors on s’ausculte, on se scrute, on cogite sa maladie jusqu’à en être malade. Et puis il faut passer à un nouveau cours alors soit on retient l’origine de la maladie soit on oublie et on recommence.

Finalement, je suis assez content d’être hypocondriaque du boulot. Parce que pour le coup et ben cette hypocondrie, je la vis comme un atout même si parfois j’ai bien chopé une maladie.

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